Positions oculaires
Certaines thérapies utilisent le champ visuel: l'EMDR (Eyes Movement Desensitization Reprocessing), l'IMO (Intégration par les mouvements oculaires), le Brainspotting, le CRM (Comprehensive Resource Model®) et l'O.E.I. (Observed Experiential Integration), la technique Flash.. Pourtant dès le 19ème siècle, James Braid utilisait les mouvements oculaires pour soigner ses patients. Il y a d'ailleurs une filiation évidente mais déniée de l'EMDR avec la découverte de James Braid, précurseur de l'hypnose scientifique, qui utilisait alors un pendule stimulant les mouvements des yeux.
Dès 1964, un psychiatre américain Day s'était intéreressé au décrochage du regard qui, selon lui, correspondrait à un changement de direction de l'attention qui se canaliserait alors vers l'expérience interne quand il y a une élaboration cognitive, une recherche mentale.
Pour Bandler & Grindler, la direction du regard serait associée à des tâches mentales spécifiques. selon eux, cela dépendrait à la fois de la nature de l'activité (visuelle, auditive, tactile) et si elle implique de la mémorisation ou de l'imagination. Le présupposé est qu'il existerait un lien entre la direction du regard et l’accès aux ressources inconscientes. D'ailleurs Notre cerveau exploiterait déjà naturellement les mouvements oculaires (REM: Rapid Eye Movement) la nuit, pendant la phase de sommeil dite paradoxale, pour intégrer les informations acquises le jour.
Les mouvements oculaires seraient donc pour certains directement reliés à notre fonctionnement cérébral et pourraient alors être utilisés à réintégrer les ressources sensorielles court-circuitées lors d'une situation traumatique. Ce serait l'attention duelle et l'oscillation entre le passé et le présent qui faciliterait le retraitement.
3 types de mouvements oculaires peuvent être utilisés : les mouvements rapides ou saccades (en EMDR), les mouvements lents et progressifs dits de dérive utilisés en IMO et la fixation visuelle (en Brainspotting).
Le clignotement oculaire tel qu'on l'observe en REM est utilisé par une approche dérivée de l'EMDR : la technique Flash (Manfield, 2017). Elle vise à alléger une mémoire cible perturbante par l'engagement mental dans une imagerie positive combiné avec un clignotement oculaire induit par le mot "flash". La mémoire traumatique n'est évoquée qu'une fraction de seconde seulement pendant le "flash". Le thérapeute dirige le long de la procédure des mouvements oculaires lents par des Stimulations Bilatérales Alternées.
Développée dès 1989 par le couple Andreas à partir des travaux de Bandler et Grindler et ne se revendiquant pas comme dérivée de l'EMDR, l' IMO (Beaulieu, 2005) est une thérapie à part entière qui travaille aussi sur les mouvements oculaires. Ceux-ci se font dans différentes directions à la vitesse souhaitée par la personne. L'hypothèse des fondateurs de l'IMO est qu'une personne, lorsqu’elle est en contact avec un souvenir traumatique, si elle regarde dans différentes directions, son cerveau pourrait accéder alors à de nouvelles informations sensorielles et les intégrer. Le travail en IMO peut se faire dans tout le champ visuel en repérant les zones les plus chargées et celles les plus légères en émotion. Alors que l'EMDR utilise des mouvements par saccades, l'IMO utilise la dérive (en anglais SPEM, Smooth Pursuit Eye Movement) la poursuite visuelle continue (Colette, 2022).
En O.E.I. (Observed Experiential Integration, Bradshaw, Cook, McDonald, 2011),une observation fine suit la personne seconde par seconde, le travail se fait sur un seul œil à la fois, en couvrant l'autre œil. A partir de l'observation clinique chez des personnes avec trauma, la découverte a été que des sensations différentes pouvaient être associées à chaque œil. L'objectif étant alors d'intégrer ces sensations en guidant l'œil. Les cinq techniques utilisées sont le “sweeping” (balayage SPEM en selon un huit horizontal ), le “switching” (couvrir alternativement d'un œil à l'autre), , le “glitch massaging” (micro mouvement en profondeur sur un seul point particulier repéré), l'Applying Release Points (identification de points oculaires de décharge des symptômes perturbants) et le "glitch holding" (focalisation sur un seul point oculaire avec des stimulations bilatérales audio).
Une autre thérapie utilisant le champ visuel mais en commençant par un mouvement très lent finissant sur une fixation c'est à dire une centration sur un point immobile est le Brainspotting (Grand, 2013) ou en France le NTCV du Dr Zaczyk ( Neuro-traitement des Traumas par le Champ Visuel). Pendant la procédure la personne écoute une stimulation bilatérale audio. Le NTCV s'appuie tant sur l'EMDR que sur le Deep Brain Reorienting, l'approche sensori-motrice, la méthode TRE, et la pleine conscience -telle qu'elle est utilisée dans la méthode Hakomi.
David Grand lui-même praticien en EMDR, a conçu le Brainspotting en 2003 en abandonnant les mouvements oculaires. Bien avant lui au 19ème siècle, James Braid demandait déjà à ses patients de fixer un point brillant ou ses doigts. En 1993, Thomson avait même déjà pu observer des "zones d'accrochage" dans le balayage oculaire. En 1998 le Dr Schiffer, psychiatre de la Harvard Medical School, dans son livre "Of 2 minds..." fonde la base théorique du travail avec un œil. Et en 1999, Audrey Cook, avait déjà présenté deux techniques : celle de s'immobiliser sur une irrégularité observée et celle de demander au client un retour de son expérience de détresse plus intense.
Le Dr Zaczyk, psychiatre, pratique l'EMDR depuis 2003 après avoir été formé par le Dr David Servan-Schreiber et a été le premier à introduire la thérapie Brainspotting en France dès 2014 après s'être formé directement avec David Grand son inventeur. Il a ensuite pu expérimenter des milliers d'heures de sessions de cette psychothérapie dont il a d'ailleurs tiré un livre: Guérir de ses traumatismes avec le Brainspotting paru en 2019 chez Odile Jacob. Dans son livre ( p. 205), il précise qu'en brainspotting " l'entrée dans le souvenir se fait par le corps et l'activation puis le processus se met en place par la position oculaire dirigée sur le point dans le champ visuel". L'hypothèse serait que le cerveau ajouterait alors l'information non concordante pour reconsolider la mémoire.
Le NTCV en tant que méthode psychothérapique fluide et naturelle s'appuie sur cette expérience clinique et bénéficie de la collaboration scientifique du Dr F. Corrigan neuropsychiatre. Ses différentes techniques utilisent la localisation de point oculaire fixe dans le champ visuel. Par exemple, une approche consiste d'abord, à partir de l'évocation d'un souvenir traumatique ou d'un problème, à localiser dans le champ visuel un point de fixation. Même si on part d'une situation particulière, il n’est pas nécessaire de décortiquer le problème en en parlant avec force de détails. Puis, dans un processus continu, le client fixe le point tout en écoutant des sons panoramiques qui constituent une stimulation bilatérale lente. Ceci est susceptible de déclencher un défilé d'images, de sensations et d’éprouvés corporels. En tant que processus d’influence réciproque, la relation au thérapeute s'appuie sur la syntonie mutuelle ainsi que la pleine conscience focalisée, ce qui se passe est toujours accueilli avec curiosité dans l'instant présent et sans jugement . La personne en relation peut se sentir accueillie, comprise telle qu'elle est.
Cette relation permet d'amplifier l'activation des ressources de la personne dans un effet thérapeutique. En psychothérapie NTCV, le thérapeute est accessible mais se gardera de donner une interprétation susceptible d'influence. Lui et son patient accueillent ce qui se passe avec curiosité et un esprit ouvert. La pleine présence du thérapeute qui se met en posture d'harmonisation relationnelle avec son patient lui permettra une meilleure régulation émotionnelle même en cas de forte activation. On retraite simplement ce qui se présente.
En tant que thérapeute, j'ai été formé par le Dr Dr Zaczyk en NTCV (jusqu'au niveau 2) ainsi qu'en EMDR-IMO par Laurence Hadjaj et Laurent Gross de l'institut Hypnotim.
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