Médiation animale
Selon Marcelli (2017) les récentes découvertes des neurosciences, de la psychologie et de l’éthologie montrent que l'animal familier participe à la sécurité affective de l'enfant et contribue à son développement émotionnel, affectif, cognitif et social. À l’adolescence, il se révèle aussi un ami précieux, fidèle et indulgent.
Les animaux sont susceptibles de devenir aussi des partenaires de soins, auxiliaires très subtils des thérapeutes et éducateurs. La médiation par l'animal est de plus en plus utilisée par eux pour prendre soin des personnes en situation de handicap, de maladie, de souffrance ou en transition de cycle de vie. Les interactions entre l'humain et l'animal apportent des bienfaits physiologiques, psychologiques, affectifs, sociaux et sensoriels aux êtres humains. En particulier chez les enfants en favorisant leur socialisation, et leur maturation psycho-affective et psychomotrice. L'insécurité affective de l'enfant serait compensée dans le rapport sécurisant à l'animal. Pour Montagner (2007) , le contact avec ces animaux contribue à la sécurité affective de l’enfant, stimule son développement affectif, relationnel et social, en particulier ses compétences-socles (l’attention visuelle soutenue, l’élan à l’interaction, les comportements affiliatifs, la capacité de reproduire et d’imiter, l’organisation structurée du geste). Ainsi selon Vernay (2003), le chien est pour l'enfant, tour à tour confident, compagnon de jeux, modèle de la vie réelle, éponge affective et aux côtés des personnes âgées, il réveille les souvenirs, combat les idées moroses et le repli sur soi.
D'après François Beiger (2014), fondateur de l'Institut Français de Zoothérapie, il est important de donner le sens du bien, de la reconstruction sociale, de l'estime de soi et d'expliquer à la personne que l'animal veut le connaître, le découvrir, se faire complice de lui. Ceci permet à la personne de confier sa parole à un être vivant comme lui mais non jugeant.
En s'appuyant sur la tendance naturelle au jeu qu’ont en commun l’enfant et l’animal, Boris Levinson a créé la Pet-Oriented Child Psychotherapy (1969). Dans cette façon de travailler, l'animal sert alors de soutien au thérapeute.
L'étude de Samuel Corson et Elizabeth O’Leary Corson dans les années 70 démontre le rôle du chien comme catalyseur social qui permet de créer du lien entre les personnes en hôpital psychiatrique, le résultat de l'étude montre qu'il y a plus d'ouverture à l'autre, les symptômes des patients s'améliorent.
L'animal permet un décentrage, une communication archaïque dans le moment présent, proche de nos sensations et émotions. En effet le chien flaire nos odeurs et hormones et sait lire nos émotions très finement.
Le travail de médiation par l'animal va plus loin que l'utilisation du chien comme simple soutien : on laisse l'initiative à l'animal dans l'interaction. L'état émotionnel de la personne en situation de contact avec l'animal lui donne des indications et une communication de base peut alors émerger. Le thérapeute va alors pouvoir orchestrer avec souplesse et curiosité ce qui advient alors. D'après Adolph et Sengelen (2019) reprenant le concept de Servais (2007), la relation d'aide prend la forme de relation triadique, cette triade impliquant la création de liens par étapes et l'instauration d'une communication multicanale. La mise en contact se fait avec un autre certes non humain mais suffisamment proche parce que animal comme nous. Dans cette relation, il s'agit de rechercher et construire des interactions et une réciprocité entre l'animal, la personne, et le binôme référent / intervenant en médiation animale. La notion de libre choix est importante : chacun peut exprimer son choix, l'animal comme l'humain.
L'intelligence animale circonscrite à son espèce est différente de l'esprit humain. Notre monde partagé est ainsi riche par la diversité de ses esprits qu'ils soient animaux ou humain. La présence d’un animal permet, en favorisant la créativité du thérapeute, de faire émerger une réalité autre à partir du potentiel de changement apporté par l’animal qui vient aussi avec la nature plus vaste à laquelle il appartient (Servais, 2007). Dans l'espace intermédiaire selon Winnicott et à condition que celui-ci soit proposé en tant qu'espace sécurisé, la confrontation avec ce qui est différent de soi c'est-à-dire l’altérité animale peut favoriser un travail d’intégration créatif, en mobilisant l’imaginaire (Servais, 2017).
La base de l’interaction avec un animal, c'est la communication non verbale : observer, être dans un registre sensoriel, ressentir, tenter de décrire ce qui se passe avec un animal, explorer ses propres ressentis. Puis pouvoir en parler avec un thérapeute en faisant des liens entre l’instant présent avec l’animal et son expérience passé. Dans une connexion authentique avec l'animal, il serait en quelque sorte le miroir d' émotions profondes qu'il a pu percevoir intuitivement.
Ainsi la connexion à l'animal permettrait de favoriser la pleine présence émotionelle et l'expression des émotions, d'abaisser le niveau de stress, de renforcer la confiance, d'améliorer les relations interpersonnelles. L'enchantement (Halloy & Servais, 2014 ) pourrait se manifester dans un travail d'intégration créatrice de l'expérience : la personne s'engage profondément dans l'interaction, et, par exemple, arriver à voir les comportements du chien comme si c'étaient des réponses à son propre comportement.
D'après Clive Wynne (2019) spécialiste du comportement canin, le chien en particulier aurait bénéficié d'une mutation génétique lui donnant la faculté de se lier à l'homme. Cette relation d'attachement, une véritable relation d'amour serait au cœur de la relation entre l'homme et son chien. D'après lui, l'affection serait ainsi l'essence même du chien.
Le chien serait donc une excellente espèce médiatrice. Son envie relationnelle, ses capacités d’empathie et de partage, la qualité de ses signaux de communication ainsi que les activités qui le portent et l’aident à s’épanouir sont des atouts pour un travail en médiation animale.
A. Melé, psychologue et S. Wis art-thérapeute utilisent le chien avec des groupes d'ados en CMP : la chienne Mulan amène un sentiment de sécurité et ouvre le "faire ensemble" du groupe, le partage dans la créativité. Une métacommunication à propos du comportement de la chienne amène des hypothèses. La violence est parlée. La chienne va et vient dans le groupe avec sa partialité multi-directionnelle. Elle a son propre diagnostic à partir de sa sensorialité très fine. Finalement le peu de règles et d'obligations dans l'atelier permet à la créativité d'advenir. Lors d'un groupe de parole, la chienne circule librement dans la salle, créant un lien, prenant le temps de saluer tout le monde. Puis vient l'aspect émotionnel : "Elle est capable de détecter les émotions communiquées, ou non communiquées. Il lui arrive de passer dix minutes à côté d'un ado, car elle a senti une émotion que nous n'avons pas détectée" dit la psychologue. Ensuite, sont produits des dessins, des phrases écrites, des peintures...
La présence du chien permet donc de faire sortir la personne isolée, de la faire bouger, de réduire son stress, de la mettre dans le moment présent, d'avoir une écoute bienveillante, de recevoir de l'amour inconditionnel, de favoriser les contacts, de lui donner un but, de la faire sourire, de la faire jouer... Le chien est conc une passerelle vivante pour ceux qui souffrent de troubles psychiques.
Je me forme à la Médiation par l'Animal à l'Institut Agatea. En tant que psychologue, j’intègre désormais une petite chienne qui a des élans à l’interaction et des comportements affiliatifs. Elle est présente avec tout son potentiel qu'elle est libre d'exprimer ce qui amène l'apaisement, la différence, le jeu, la créativité. La chienne peut mieux incarner ce que c’est que le concept d’acceptation inconditionnelle, dans le moment présent. Non seulement elle ne juge pas mais elle ne trahit pas, elle est toujours disponible, apaisante et rassurante. Le chien est susceptible de montrer de l’authenticité aux yeux de la personne car ne parlant pas, elle ne joue ni avec les mots ni avec des concepts, et ne prétend connaître aucune science.
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