ICV
L'ICV (Intégration du Cycle de Vie) est une technique nouvelle de thérapie qui permet sur un temps long d’apporter un apaisement et une base de sécurité dans le cas de traumatismes complexes ou sur quelques séances de réparer à propos d'un évènement bien précis quand la personne est déjà sécure. D'après Binet (2017), contrairement à l'EMDR, l'ICV n'utilise pas de stimulations bilatérales alternées (SBA) mais implique par contre une revue complète du cycle de la vie de la personne.
Grâce à une ligne du temps, l'ICV consiste à faire traverser les différents âges de la vie. Cette approche a été développée par la psychologue américaine Peggy Pace (Lifespan Integration) à partir de la publication de son livre en 2003: "Lifespan Integration: Connecting Ego States through Time". Cette praticienne EMDR avait découvert la fonction intégrative de la Ligne du Temps et s'était aussi interrogée sur les Etats du Moi infantiles déconnectés du néo-cortex et des fonctions cérébrales supérieures. Elle a de fait établi l'importance du travail à partir de l' âge dans lequel la personne pouvait être bloquée. L'ICV doit beaucoup à la théorie de l'attachement de Bowlby et à la théorie des Etats du Moi des Watkins (1997). Ainsi en ICV, le thérapeute ne communique jamais à la partie enfantine mais lui transmet des informations via le client adulte, en créant des conditions permettant un dialogue intérieur avec son moi enfant en utilisant l'imagerie et l'imagination active. Ceci permettrait de en quelque sorte de reconstruire un passé qui affecterait moins le présent.
L'hypothèse initiale de Peggy Pace était que visualiser des répétitions de sa Ligne du Temps de souvenirs, dans des conditions favorables, amenait les réseaux neuronaux dissociés à être stimulés avec et donc à se lier à d'autres réseaux neuronaux qui s'étaient développés depuis le trauma. La pratique clinique a montré l'efficacité de l'ICV particulièrement pour retraiter les traumatismes même complexes. De plus la démonstration de la plasticité neuronale et l'apport des neurosciences a, depuis, enrichi d'un substrat théorique considérable et l'ICV peut désormais se baser sur des connaissances scientifiques récentes.
C'est la relation entre le thérapeute et son client qui la favorisera dans un accordage fin : cette relation est un processus d’influence réciproque. Cette relation permet d'amplifier l'activation des ressources de la personne dans un effet thérapeutique. L'accordage "se manifeste à travers un cadre contenant, la régulation par les variations du rythme, l'exposition très brève au traumas, la décharge graduelle des affects et des impulsions corporelles, et l'attention soutenue au maintien constant du patient dans sa fenêtre de tolérance" (Janner Steffan, 2017). La réparation de l'attachement est au cœur du processus, une sécurité accrue favorise une tendance d'attachement plus sécure, et une meilleure collaboration.
Classiquement on traite le trauma en trois phases: (1) stabilisation, (2) exposition, (3) intégration mais en ICV ceci se fait en même temps même si une certaine stabilisation est induite initialement par une adaptation personnalisée des protocoles. Les répétitions de la ligne du temps, la modulation du rythme de lecture et l'accordage fin du thérapeute compense une certaine instabilité. L'ICV est réputé favoriser l'intégration neuronale à travers la répétition de la liste de souvenirs-signaux, ces souvenirs n'ont pas nécessairement besoin d'être des événements marquants, par contre il est intéressant d'y inclure des souvenirs sensoriels ou moteurs. Ils doivent évidemment inclure tous les souvenirs traumatiques. L'ICV implique le corps en entier en évoquant des souvenirs avec images, sensations, mouvements. Au fur de mesure de la thérapie, le thérapeute veillera à une bonne régulation émotionnelle et, d'autres souvenirs pourront commencer à émerger, ce qui sera un signe d'intégration neuronale. La répétition de la ligne de souvenirs à la personne ancrée dans son corps permettra l'émergence de souvenirs plus positifs avec des prises de conscience nouvelles. Ceci serait susceptible de décentrer la personne et d'infirmer des schémas dysfonctionnels induits par les expériences traumatiques.
Les traumas et les attachements dits insécures sont réputés inhiber les fonctions intégratives du cerveau. L'ICV en tant qu'intégration accordée, rythmée, réciproque du système corps-esprit par des répétitions multiples de la ligne du temps, optimise le processus intégratif et augmente la cohérence narrative.
En thérapie ICV, les souvenirs chargés d'émotion ne sont visités que très brièvement. L'avancée à travers la ligne du temps est rapide sans s'arrêter pour en discuter ou décharger de l'émotion. L'oscillation entre le passé et le présent faciliterait le retraitement. Le thérapeute, calme et solide avec une présence contenante, rejouerait en quelque sorte le rôle parental qui n'a pas pu s'accomplir au cours du développement.
La thérapie procède essentiellement par des répétitions de lecture : la répétition apporterait à la personne la sécurité du familier tout en permettant d'anticiper les émotions ressenties à la 1ère lecture pour mieux les maîtriser. La répétition favoriserait aussi l'intégration des ressources, des apprentissages acquis au fil du temps.
Pour les personnes carencées précocement ou avec trauma complexe, il convient de permettre d'abord la construction de connexions plus solides avec son Soi-central, de le renforcer voire de le construire avant d'aller plus loin.
D'abord s'autoriser de parler à la 1ère personne en voyant sa vie comme un tout, puis s'accepter inconditionnellement face à l'autre et enfin ultimement pouvoir se sentir aimable, à la fois sécure et vulnérable en étant en mouvement et ouvert sur le monde.
L'ICV est une approche très contenante tout en utilisant des moments très pénibles de la vie de la personne. Pratiqué sur un temps suffisamment long, cela peut aussi permettre un travail de fond afin d'acquérir un attachement plus sécure, c'est-à-dire un regard inconditionnellement aimant sur soi-même permettant un développement harmonieux avec les autres allant vers une conscience autonoétique, capable de percevoir le continuité de l'identité du passé au présent et vers le futur.
En tant que thérapeute, je me suis formé à l'ICV (niveau 3). L’ICV par la répétition de la ligne du temps permet l’intégration et ultérieurement l’auto-guérison. L'ICV est en effet une thérapie qui suppose que le corps-esprit humain est un système capable d'auto-guérison grâce à la plasticité neuronale. L'ICV facilitera l'installation d'une base de sécurité interne plus solide et à une meilleure régulation émotionnelle.
Pour en savoir plus allez sur l''Association Francophone pour l’Intégration du Cycle de la Vie
Bibliographie :
BINET, E. (2017). Le présent au secours du passé. Bruxelles : Satas.
BOWLBY, J. (2002). Attachement et perte. Paris : Puf.
JANNER STEFFAN, A. (2017).Le processus clinique de l'ICV, in J. SMITH, Applications cliniques de l'ICV, Paris: Dunod.
PACE , P. (2019). Pratiquer l'ICV, l'Intégration du Cycle de la Vie. Paris: Dunod.
SMITH, J. (2017). Application cliniques de l'ICV. Paris : Dunod.
SMITH, J; JANNER STEFFAN, A.; MANN, L. (2019). La régulation des émotions dans la famille. Paris : Dunod.
WATKINS, J.G. ; WATKINS, H. (1997). Ego-states: theory and therapy. New York : Norton.